- Oh, il y a un bus! s'exclama l'Oiseau Mort avec enthousiasme.
- Oh, il y a Petri Lindroos devant! répliquai-je sur le même ton.
D'une certaine façon, les réjouissances ont commencé à ce moment là.
Je vous avais dit que je reviendrais aujourd'hui vous dire à quel point Petri Lindroos est magnifique. Eh bien je suis navrée mais il faudra vous contenter de peu: il n'existe aucun mot pour dire à quel point cet homme est grandiose. C'est un Dieu. C'est un Monstre Sacré. Il est grandiose, géant, merveilleux, prodigieux. Et je l'avais là. A, quoi? un mètre de moi. Assez près pour lui refiler la grippe A. J'ai frôlé sa main, j'ai croisé son regard, j'ai été gratifiée de son sourire. J'ai entendu les modulations d'outre tombe sortir de sa cage thoracique pourtant taillée dans un cure-dent, et j'ai vu la sueur coller à son visage d'elfe sous anxiolytiques ses cheveux blonds sans épaisseur. Je l'ai entendu prononcer le mot "album" avec sa voix spéciale "elfe colérique" (dixit l'Oiseau) et son accent finlandais à couper au couteau. J'ai hurlé à l'oreille pointue qu'il tendait en ma direction un "LAI LAI HEI!" tonitruant à m'en ruiner les cordes vocales. J'ai vu à quel point on peut être beau malgré un début de bedaine à bière qui pendouille sur la ceinture du kilt et un air complètement amorti. Oui, je sais, j'ai l'air d'une groupie hystérique. Mais, voyez-vous, je ne pensais pas qu'il me serait possible d'être en admiration devant cet homme plus que je ne l'étais déjà. Eh bien, je me suis lourdement fourvoyée.
La première apparition qu'il a faite, c'était aux alentours de 19h. Nous faisions la queue devant la salle. J'avais depuis longtemps remarqué les deux tour-bus garés à quelques mètres, et les avais même signalés à l'Oiseau. Ce qui ne l'a pas empêchée de s'exclamer, quelques instants plus tard:
-Oh, il y a un bus!
Je me suis machinalement retournée, quoique l'ayant déjà vu, et c'est alors que je vois près de nous, loin devant ledit bus, bien en évidence, une grande gigue blonde aux cheveux attachés, aux paupières mi-closes et au sourire de matou repu assoupi devant le poêle. Une grande gigue flanquée d'un monsieur tout de noir vêtu portant autour du cou un badge du staff. Une grande gigue reconnaissable entre mille.
-Oh, il y a Petri Lindroos devant! me suis-je donc tout naturellement exclamée.
Plus tard, un évènement quelque peu similaire s'est produit lorsque nous sommes entrées dans la salle. Une autre gigue blonde, un peu moins grande que la première, et aux cheveux plus longs, se tenait devant le stand de merchandising de Tracedawn et parlementait avec le vendeur. L'Oiseau et moi nous sommes fendues de quelques commentaires à son propos avant de nous approcher de la scène... Pour découvrir un peu plus tard que le jeune homme en question était en fait Pekko Heikkilä, le bassiste de Tracedawn.
Je déplore, soit dit en passant, la qualité pourrie des photos. Mais bon, on ne fait pas ce qu'on veut avec un vieux Samsung...
J'avais pensé, surtout vu le jeune âge des membres (la plupart le sont plus que moi, si je ne m'abuse) que ce serait de la bonne soupe inconsistante. "Les pauvres", ai-je même dit juste avant qu'ils ne se mettent à jouer. Puis le chanteur, Antti Lappalainen, a ouvert la bouche. Et j'ai fermé la mienne.
Comme je l'ai dit par la suite à l'Oiseau, j'ai un peu eu l'impression qu'on envoyait les jeunes au saloir pour préserver les anciens. Ayant écopé de la lourde tâche de chauffer le public, ils ont eu un accueil plutôt froid, mou et passif alors qu'ils sont à mon sens vraiment méritants. Fort heureusement, sur leurs derniers morceaux, l'assistance s'est montrée un peu plus enthousiaste et Metsatöll a trouvé en montant sur scène un public bien réceptif. Avec l'entrée en scène majestueuse de Lauri "Varulven" Õunapuu, l'homme-orchestre du groupe, qui a entamé en guise de présentation un chant clair, a capella, en estonien, proprement magnifique. Egalement partie avec un a priori négatif sur leur musique, j'ai de nouveau eu l'occasion de bien fermer ma mouille et d'admirer sans commentaire. Parce que, contrairement à Tracedawn, en plus de respecter ce qu'ils faisaient, j'ai franchement aimé. Et je déplore une fois de plus la mauvaise qualité de mes photos, parce que Varulven avec la guitare dans le dos, deux flûtes glissées dans la ceinture et jouant du torupill (cornemuse estonienne), ça vallait vraiment le coup d'oeil...
Varulven au torupill.
Et Varulven avec son kannel électrique à 11 cordes, fabriqué par ses soins d'après le site officiel.
Un moment exceptionnel. Des morceaux géants, que je n'arrive plus à retrouver. Des musiciens sympas, proches du public. Je serais en train de devenir fan de ces gens-là que ça ne m'étonnerait pas...
Bref. A ma grande surprise, j'ai regretté de les voir quitter la scène. Mais à ce petit pincement s'est mêlé une excitation grandissante à l'idée de voir Ensiferum monter enfin sur les planches. En effet, pendant que l'Oiseau et moi luttions pour nos vies dans la cohue, le staff installait tranquillement le traditionnel bouclier devant les claviers.
La tension montait, presque palpable, dans le public. Moi, tout près de la scène, je battais la semelle, impatiente de les voir monter sur scène, en particulier Petri Lindroos à qui je voue, en dépit de son sale caractère notoire, un culte sans condition. Notons que c'est tout de même lui qui m'a fait aimer le chant death... Et à partir de là, je vous ferais volontiers un live report détaillé, mais j'ai décroché. Aux premiers accords de l'intro de From Afar, j'ai été emportée par la vague, les yeux quasiment rivés sur lui en permanence (mon autre homme des bois préféré, Sami Hinkka, étant resté loin de l'autre côté de la scène). Réservée et timide maladive, je me suis surprise à sauter, headbanger, scander les paroles des chansons... Quoique bien conditionnée par Metsatöll, je me suis complètement laissée submerger. Et il n'y a plus eu rien d'autre dans l'univers que sa voix d'outre tombe, les queues de rats blondes engluées de sueur qui encadraient son visage d'elfe enragé, et les vibrations de la musique dans ma poitrine comme un deuxième coeur dont les puissants battements rendaient le premier accessoire. Chaque morceau était, à la fin, salué par un cri, et, ayant poussé ce cri, il me semblait refaire surface d'une longue apnée. J'avais l'impression d'avoir quitté la terre ferme sans m'en apercevoir, et de ne réaliser qu'à mon retour que j'étais partie. Ils ont joué Wanderer. Ils se sont fait désirer, mais ils ont aussi joué Lai Lai Hei! . De grands moment d'émotion, wasn't it, l'Oiseau? Ils ont joué One More Magic Potion, que j'écoute actuellement. Je le revois tendre l'oreille vers le public...
-One More Magic...
- ... POTION!!!!
Ils avaient tous l'air de bien s'amuser, tout particulièrement Petri et Sami qui, sous le sempiternel rideau de cheveux qui lui couvrait le visage, souriait manifestement la plupart du temps.
Holy crap... Par moments j'ai l'impression qu'il me suffirait de scander En-si-fe-rum comme je l'ai fait sur l'instant pour retrouver toute la magie du moment...
Bref. Pour en revenir à ce cher Petri, affectueusement surnommé "Kiitos" par l'Oiseau et moi en raison de sa manie de remercier systématiquement le public à la fin de chaque chanson, il n'a pas été avare de "Merci" et s'est même fendu de quelques "Merci Bordeaux"... Les trois groupes ont dit "Bonsoir Bordeaux", d'ailleurs. C'était très mignon. J'adore les non-francophones qui parlent français... Et c'est sans moquerie que je dis ça (je voudrais bien qu'ils m'entendent parler finnois...).
Enfin, je l'avais là, j'avais sa jambe épilée à la onegaine à la portée de mon bras, j'ai joué la groupie frustrée en lui hurlant un "Oi Petri, rakastan sinua!" qu'il a entendu (mais, ne le connaissant pas personnellement, ma dignité n'en pâtira pas). J'étais assez près pour constater que le fait de jouer penché vers l'arrière lui donnait des crampes aux abdominaux (le muscle soudain saillant et agité de tressaillements, ça ne trompe pas).
Je voudrais en dire plus, tellement plus. Et de façon tellement plus ordonnée, aussi. Mais je ne peux pas. Comme je le disais, tout a été au-delà des mots à partir du moment où il est monté sur scène. De tous les bons moments que j'ai passés en 18 ans d'existence, celui-ci mérite de figurer parmi les meilleurs. Si ce n'est d'être le meilleur.
Alors, à quand
One more magic moment?
J'ai beaucoup aimé la basse de Sami...
Ah, les myspace de tous ces gens, peut-être, au cas où vous seriez tentés d'aller écouter:
Moi qui carburais au Týr ces derniers temps, j'ai depuis hier l'impression de commettre une hérésie en les écoutant...
Sur ce, bien le bonsoir!
Images: Ensiferum, Tracedawn et Metsatöll
Musique: Ensiferum - Iron
Ensiferum - One More Magic Potion