Mercredi 20 janvier 2010 à 5:38

Il eut l'impression d'avoir dormi des heures lorsqu'un pas martial se répercutant en écho dans le corridor le tira des bras de Morphée. Il s'assit avec peine, se demandant où il était durant une fraction de seconde, juste avant que ses souvenir de la nuit ne l'assaillent à nouveau. Un jeune soldat en uniforme se dirigeait dans sa direction, un air décidé sur son visage impeccable de poupon germanique.

« Monsieur Henneling? aboya-t'il à l'intention de Lev.
- Lui-même, marmonna-Lev en massant ses paupières douloureuses.
-
Veuillez me suivre, Monsieur Henneling, je vous prie. »

Depuis les abysses du coma matinal où il se trouvait, Lev nota deux choses: premièrement, le soldat le menait jusqu'à la cellule du loup-garou. Deuxièmement, il avait un trousseau de clés à la main. Très professionnel, le jeune homme risqua un coup d'œil à travers la grille et tendit le jeu de clés à Lev:

« La porte. Les menottes – c'est la même clé pour les quatre. Et le collier. En cas de problème... vous hurlez.
- Merci, fit Lev sans conviction. Mais euh... pourquoi?
- C'est votre chien, répliqua le jeune soldat, une pointe de mépris dans la voix. A vous de vous débrouiller, à présent. »

Lev ne le remercia même pas et fit jouer la clé dans la serrure, tandis que les pas de son guide s'éloignaient dans son dos. Le battant grinça comme il l'entrouvrait juste assez pour pouvoir se glisser dans la pièce.

Il ne l'avait pas noté la veille, mais l'endroit empestait un désagréable mélange de sueur rance, de sang séché et de renfermé. Mais ce qui lui donna le plus violent haut-le-cœur, ce fut la vision qui s'offrit à lui sitôt qu'il eut passé la porte.

Arvid Tusane n'était plus la formidable créature que Lev avait aperçue durant la nuit, mais il restait très grand, même pour un homme. Très maigre, aussi; l'on distinguait nettement ses côtes, dont plusieurs, estima Lev, avaient dû être fracturées. Il était suspendu au mur, entièrement nu, ses bras et jambes écartés maintenus par des fers. Sa peau était d'un beige grisâtre que Lev jugea préoccupant, striée aux endroits les plus pâles, comme l'abdomen ou l'intérieur des bras, d'un réseau hypnotique de petites veinules bleues. Son corps tout entier était couvert de plaies et d'ecchymoses fraîches, mais également de cicatrices plus anciennes, notamment au niveau de la gorge. Malgré le froid qui régnait dans la pièce, ses courts cheveux aile de corbeau étaient humides de sueur, collant à son front et ses tempes. Son menton, bleui d'une barbe naissante, tendait à retomber sur sa poitrine, retenu par l'épais collier de métal qui enserrait son cou et le maintenait plaqué contre le mur.

« Arvid? » risqua Lev, sans obtenir de réponse. Il se demanda quel danger il courait à le libérer, si tout cela n'était pas un piège, pesa le pour et le contre. Finalement, après de brèves délibération, il décida qu'il ne perdait rien en servant de pitance à cette pauvre créature, et qu'au moins en la libérant il commettrait sa meilleure action depuis longtemps. Aussi glissa-t'il la clé magnétique du collier dans l'encoche appropriée, attendit-il le déclic et l'ouvrit-il.

Arvid Tusane battit des paupières à plusieurs reprises, et ouvrit les yeux. Son visage n'était qu'à quelques centimètres de Lev, qui pouvait voir à quel point il était cerné, et combien ses traits étaient tirés. Il examinait son sauveur avec curiosité, un pâle sourire aux lèvres. Ses iris, nota Lev, étaient bruns et légèrement trop grands pour ses globes oculaires. Ils en occupaient presque toute la surface visible, à l'image de ceux d'un chien ou d'un loup.

« Lev Henneling, fit-il d'une voix faible, rauque et enrouée.
- Ne vous en occupez pas pour le moment, lui conseilla Lev en déverrouillant les fers qui enserraient ses chevilles.
- Ami, poursuivit Arvid Tusane, articulant à peine.
- Oui, acquiesça Lev, je suis votre ami.
- Vous avez du lait? »

La question désarçonna Lev, alors qu'il s'attaquait à l'unique menotte qui retenait encore le loup-garou contre le mur de béton. Surpris, il opina du chef, se disant qu'il serait toujours à temps d'en emprunter à Minus ou d'en stocker chez lui. L'air visiblement rassuré, Tusane sombra de nouveau dans l'inconscience, et s'effondra comme un poids mort dans les bras de Lev sitôt que son dernier lien fut ouvert.

C'est Old-Luck-Oie qui l'a dit.

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