Mardi 27 juillet 2010 à 0:33

 II


 

Je longeais la cascade, la tête emplie de sa clameur. Loin au-dessus de moi, un minuscule point noir se détachant sur le blanc lumineux de l'eau m'apprit que M. Rook avait également sauté. Il me semblait, sans doute en raison de la profondeur du précipice, que je tombais très lentement. J'eus ainsi le temps de détailler les parois anthracite veinées d'argent, et tapissées de mousses prolifiques et d'abondantes scolopendres. Ca et là, d'une cavité naturelle creusée dans la roche par l'érosion, sourdait une lueur orangée semblable à celle d'un feu. Sur des saillies rocheuses reposaient des roues de pierre, d'anciennes poteries, des arcs et des sagaies, puis des haches, des épées, des harpes et des métiers à tisser, qui cédèrent à leur tour la place aux perruques poudrées et aux palanquins tendus de brocart. De superbes corsets de soie et de satin voisinaient avec des hakama, tandis que des masques sacrés africains dissimulaient les visages d'or de bouddhas en pleine contemplation, au pied d'une croix de bois percée de trois longs clous rouillés. Des coiffes de plumes et des pelisses d'ours polaires revêtaient des momies enveloppées dans des bandelettes couvertes de hiéroglyphes. Des colonnes doriques effondrées avaient jadis soutenu des pagodes bancales, qui menaçaient désormais de s'effondrer sur les restes rouillés d'une locomotive à vapeur. La gorge serrée, je vis, dépassant de la gueule d'un tigre à dents de sabre bien vivant, perché sur ce qui restait d'un minaret écroulé, un bras ceint d'un brassard écarlate frappé de la croix gammée. Au cœur d'un cercle de petites pierres levées croulait un coffre-fort d'acier cabossé vomissant des devises de toutes époques et de tous pays, et sur lequel un loup blanc, gigantesque, était assis, hurlant à la mort. Levant les yeux au ciel, je vis alors une immense créature décrire de vastes cercles dans le ciel nocturne, son long corps musculeux couvert de plumes colorées ondulant comme celui d'une couleuvre dans l'eau. Dans son sillage s'ébattaient de grands aigles royaux. Je traversai un nuage de scarabées dorés, et réalisai soudain que plus rien de ce que je voyais n'était inanimé. J'avais traversé, compris-je, les stades de la Mort et de la non-Vie. J'avais dépassé la Fin, ainsi que l'étape transitoire d'avant la Création, celle qui précède le Début. S'offrait désormais à moi un nouveau Commencement, plein de promesses, coulant des ruines du passé vers un futur à construire. Fort de cette nouvelle lumière, j'atterris en douceur, et constatai à ma grande surprise que M. Rook était déjà en bas. Il avait allumé un feu à l'aide de deux morceaux de silex – sans doute ramassés en chemin – et déposé dessus une casserole pleine d'eau. Il avait également sorti de sa besace deux bols d'étain, un baluchon contenant de la viande séchée, et trois couvertures. Me dirigeant vers lui, j'ôtai la pièce de ma bouche et m'exclamai:


 

« Alors c'est cela, la Mort? »

C'est Old-Luck-Oie qui l'a dit.

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Par Code Promotionnel Uber le Samedi 5 septembre 2015 à 18:54
Avez vous un lien pour que je puisse télécharger l'article en PDF ?
Par serrurier fichet paris 15 le Lundi 7 septembre 2015 à 9:09
Excellent article je vous soutient .
 

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